Dimanche 31 mars 2019 à 16H00 à BONLIEU SCÈNE NATIONALE-PETITE SALLE
BALTASAR GARZÓN: VERS UNE JUSTICE UNIVERSELLE
En 1975, lorsque le jeune Baltasar Garzón entreprend ses études de droit à Séville, il n’a connu qu’un seul régime : celui de la dictature instaurée par le général Franco après le conflit qui a ensanglanté l’Espagne de 1936 à 1939. A la mort de ce dernier, le 20 novembre 1975, Juan Carlos 1er le successeur qu’il a lui-même désigné, monte sur le trône. Pendant deux ans, la classe politique opère en douceur une transition démocratique, et, avec le soutien du roi, se dote d’une Constitution. Très rapidement le Parlement vote une étrange loi d’amnistie, en réalité un pacte de l’oubli destiné, au nom de la réconciliation nationale, à effacer le passé, une sorte de point final qui rend impossible la reconnaissance officielle des crimes de guerre et de l’Etat franquiste. Cette loi « d’amnésie » a abouti en 2007 à la loi sur la Mémoire Historique qui, 40 ans après, constitue encore un obstacle qui ne permet toujours pas aux familles d’obtenir réparation.
En 1981, Baltasar Garzón, qui est devenu juge, est imprégné de l’atmosphère euphorique de l’après-dictature, mais aussi de l’histoire que les gens de sa génération ne connaissent pas bien, ce qui le conduit à agir en conséquence dans sa vie de citoyen et de magistrat. En 1982, et pour la première fois depuis le Front Populaire espagnol de 1936, la gauche retrouve le pouvoir avec Felipe González, et ce jusqu’en 1996, date à laquelle un gouvernement de droite sera démocratiquement élu. Baltasar Garzón est de gauche, socialiste pour être précis et donc proche de Felipe González, andalou et avocat comme lui, maintenant président du gouvernement.
Devenu juge d’instruction à Madrid dès 1988, Baltasar Garzón aura en charge de nombreuses grandes affaires concernant la corruption, la drogue, le banditisme international, le terrorisme basque (ETA, Batasuna et autres groupes de la nébuleuse ETA) et même le terrorisme d’Etat avec l’affaire du GAL (groupe anti-terroriste de libération) pendant le gouvernement socialiste, preuve de son impartialité contestée par la droite espagnole qui lancera plusieurs procédures judiciaires contre lui. En 2012, il sera suspendu de la magistrature pour 11 ans, ce qui marquera la fin de sa carrière judiciaire.
Mais ce qui lui a été le plus reproché, c’est d’avoir osé contrevenir à la fameuse loi d’amnistie de 1977. Partisan du livre ouvert sur cette question, il va soutenir les demandes de différentes associations et entamer des procédures contre des tortionnaires avérés, des criminels de guerre génocidaires, et pour la recherche et l’ouverture de toutes les fosses communes. Condamné pour menées contre la Constitution, il va être obligé de stopper ses procédures. C’est en s’attaquant à la question des exactions commises en Amérique latine (notamment sous les dictatures du Brésil, de l’Argentine et du Chili) contre des ressortissants espagnols qu’il pourra continuer sa lutte, en s’appuyant sur des institutions internationales comme le TPI ou la CPI, et mettre en cause notamment des chefs d’Etat comme Pinochet qu’il fait arrêter et inculper à Londres en 1998 (ce qui lui vaut une grande notoriété internationale) et leurs administrations, pour complicité dans ces crimes ou directement comme donneurs d’ordres.
Estimant que ces institutions internationales n’ont que des pouvoirs limités, particulièrement contre les responsables (hommes ou pays) de crimes contre l’humanité, il milite pour une justice universelle ayant de vrais pouvoirs de poursuite contre qui que ce soit dans le monde, partant de l’idée qu’aucun responsable d’actes d’injustice graves ne puisse se sentir à l’abri où qu’il se trouve sur la planète. C’est le sens de ce documentaire qui présente le projet et des exemples qui peuvent illustrer sa nécessité.
Aujourd’hui, le juge Garzón a pris en main la défense du site internet Wikileaks et de son cofondateur Julien Assange.
Baltasar Garzón, né le 26 octobre 1955 à Torres, province de Jaén, juge, juriste, avocat, écrivain, professeur d’université, homme politique.
Micheline Durand (interprète pour Baltasar Garzón)
Interprète de conférence pour les langues française et espagnole, maintenant retraitée, Micheline Durand a été pendant plus de 30 ans au service de la Présidence de la République française et de ses différents gouvernements. Elle a aussi servi d’interprète à leurs homologues latino-américains et espagnols et aussi à Juan Carlos 1erd’Espagne et à son fils, le souverain actuel, Felipe VI, lorsqu’il fut désigné Prince des Asturies. Micheline Durand nous fera l’amitié d’être présente aux côtés du juge Baltasar Garzón dont elle sera l’interprète. La soirée débutera par la projection du documentaire The Code et se poursuivra par un échange avec le juge Garzón.